Novaciéries

Vaste complexe métallurgique, le site des anciennes Forges et Aciéries de la Marine et des Chemin de fer occupe une place centrale dans la géographie et l’histoire industrielle de la ville.

Germain Morel, l'homme par qui tout commence

Né le 25 novembre 1820, Germain Morel est le fils d’Antoine Morel responsable d’une petite forge de la ville. Après une brève scolarité, il devient ouvrier dans l’atelier de son père et fabrique des fers fins vendus presque exclusivement à l’entreprise Petin et Gaudet, métallurgistes de Rive-de-Gier. Parallèlement à son activité Germain Morel étudie chaque soir. A 18 ans, ses efforts payent puisqu’il intégre l’Ecole des Mines de Saint-Etienne. Trois ans plus tard, de retour à l’atelier de son père, il commence à mettre en application ses connaissances acquises. Néanmoins, faute de capitaux, l’entreprise familiale stagne inexorablement. Germain Morel propose alors une association avec ses principaux clients : les usines Petin et Gaudet. Le 1er février 1848 est fondée la maison Morel & Cie.

Plus confortable, cette nouvelle situation va lui permettre de mettre au point un procédé à l’époque révolutionnaire : le bandage sans soudure des roues de chemin de fer. Cette invention va dès lors apporter une grande prospérité à l’entreprise. En 1851, l’entreprise devient Maison Petin, Gaudet, Morel et fils ; ce changement de nom révèle peut-être déjà les dissensions qui s’installent dans l’entreprise. Elle est finalement dissoute en 1852. La forge de Saint-Chamond est alors rachetée par Petin et Gaudet, qui autorisent les Morel à continuer la production des bandages sans soudure. Désormais divisée sur deux entreprises, l’invention ne profite plus à Germain Morel qui, dans sa nouvelle usine construite à la hâte, manque cruellement de clients. Toutes les commandes sont en effet récupérées par Petin et Gaudet. Germain Morel est alors contraint de vendre son usine et son brevet. La vente impose la condition que l’acheteur ne soit pas ses ex-associés. Malgré cette clause, Germain Morel est trompé : il s’avère que son acheteur agit comme prête-nom pour les entreprises Petin et Gaudet. Dupé, l’homme à l’origine de la prospérité métallurgique saint-chamonaise est retrouvé mort au lendemain de la vente, le 1er septembre 1853.

La Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine

En 1854, après le rachat de l’usine et du brevet de Germain Morel, Petin et Gaudet déménagent leur affaire à Saint-Chamond et s’associent aux forges d’Assailly, de Louka et de Persan, aux hauts-fourneaux de Clavières et de Toga, de Givors, et aux mines de Fraisses et d’Unieux. De cette fusion naît la Compagnie des Hauts-fourneaux, Forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de fer. Elle est alors gérée par les frères Jackson, Petin et Gaudet. A partir de 1857 ces deux derniers reprennent intégralement la direction de l’usine. Alors que l’usine fabrique déjà des milliers de roues de fer sans soudure, pour les wagons et les locomotives, on lui commande également la réalisation des blindages des navires de guerre (à l’époque encore construits en bois). L’usine occupe rapidement dans ce domaine la première place européenne. Entre 1855 et 1867, l’entreprise cuirasse 42 navires. Afin d’équiper la marine de façon optimale, l’usine se lance en outre dans 1859 dans les canons en acier. En 1874, ne pouvant plus s’adapter aux exigences des actionnaires, Petin et Gaudet sont finalement remplacés. De 1874 à 1911, la direction de l’usine est alors confiée à Adrien de Montgolfier. Durant ces années, l’usine ne cesse de s’agrandir. En 1881 elle assimile les usines du Boucau puis, en 1903 les usines d’Homécourt et du Haumont. La raison sociale change alors pour devenir Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt. En 1890, l’usine emploie plus de 6 000 ouvriers. Ensemble, ils créent, testent et développent les propres modèles de l’usine. Sans le savoir, l’entreprise se prépare aux exigences industrielles que nécessitera le premier confit mondial… En 1914, et durant toute la première guerre mondiale, l’usine occupe un rôle important en construisant canons, obus et artillerie lourde. Fort de son héritage dans le chemin de fer, l’usine développe également l’artillerie lourde sur voie ferrée. D’abord expédiés sur le front grâce à des locomotives à vapeur, ces lourds canons sont rapidement envoyés dans les zones de combat via des locomotives à traction électrique fabriquées également dans l’usine. Très vite avec l’essor de l’aviation et des bombardements aériens, la vapeur peu discrète est proscrite du champ de combat. Enfin, à la demande des états-majors, l’usine développe dès 1916 le char Saint-Chamond, deuxième char d’assaut français. Entamant des reconversions dès la fin de la guerre (pièces ferroviaires), l’usine fusionne en 1952 avec la Compagnie des Aciéries de Saint-Etienne, puis en 1954 elle devient la Compagnie des Ateliers et Forges de la Loire (CAFL). En 1970, la CAFL s’associe à la Société des Forges et Ateliers du Creusot (SFAC) ; elle devient alors Creusot-Loire. L’entreprise oeuvre dans la métallurgie lourde, la sidérurgie et partiellement dans le nucléaire. Après le choc pétrolier de 1974, Creusot-Loire entre dans une phase de déficit chronique dès 1975. Malgré ses 10 000 employés, Creusot-Loire est restructurée à plusieurs reprises. L’issue semble néanmoins inexorable et, le 12 décembre 1984, Creusot-Loire dépose le bilan. Dès lors le site voit s’installer plusieurs sociétés qui opèrent entre elles fusions et rachats : Accelor Mittal, CLECIM (devenu SIEMENS) et GIAT industries. A cette époque, le site crée alors pour l’armée française les VAB (véhicules de l’avant blindés) ; sur le site une piste de test se nomme encore la rue des VAB. Au début des années 2000, la fermeture de GIAT crée une friche industrielle au cœur de la ville et entraîne rapidement des études de faisabilité pour le réaménagement du site. Devenu Novaciéries, ce site de 45 hectares mêle parc, activités de loisirs, logements et site industriel dans un projet ambitieux de requalification urbaine.

Le char Saint-Chamond

Le char Saint-Chamond est le deuxième char d’assaut français produit pour l’Armée française, lors de la Première Guerre Mondiale. Initialement, les entreprises Schneider et les Forges et Aciéries de la Marine travaillent sur un même prototype, le tracteur A. Néanmoins, en raison de divergences, elles développent chacune un modèle différent : le char Schneider et le char Saint-Chamond.

Le char Saint-Chamond est plus long et plus lourd que le char Schneider, mais il semble mieux équipé. En 1916, le prototype est approuvé par l’Armée française et en avril 1917, les premiers chars sortent de l’usine de Saint-Chamond. Evidemment encore imparfait, le char Saint-Chamond se révèle rapidement inutile sur terrain accidenté (son nez se plantant dans le sol). Il n’en reste pas moins efficace lors de la reprise de la guerre de mouvement en 1918 en rase campagne grâce à son long canon de 75 mm. Le char Saint-Chamond est utilisé jusqu’en septembre 1918, avant d’être détrôné par les chars de fabrication anglaise. Au total, 400 exemplaires ont été fabriqués dans les ateliers des Forges et Aciéries de la Marine. Un seul exemplaire existe encore dans le monde, présenté au musée des blindés de Saumur.

Paroles d'habitants

Extrait du DVD Saint-Chamond, une histoire de cœur. 2ème partie : une usine dans la ville, Philippe Crozier. DVD en vente à la DAC.