La teinturerie Gillet

Ce palais industriel de la fin du XIXème siècle nous conte encore aujourd'hui l'épopée des teintureries Gillet sur la ville. Avec ses façades et ses toitures inscrites au titre des Monuments historiques depuis 1995, il nous rappelle l'importance que représentait l'industrie de la teinture dans la vallée jusque dans les années 1970.

Historique

En 1861, François Gillet, fondateur de la dynastie industrielle des Gillet, implante un atelier de teinturerie à Izieux au bord du Gier afin de bénéficier de la qualité exceptionnelle des eaux du Pilat. Ces dernières sont en effet le facteur numéro 1 pour créer des teintures de grande qualité. En 1875, confirmant l’implantation de la famille sur le site, François Gillet fils fait construire sur la rive gauche une teinturerie de soie naturelle, qu’il agrandit dès les années 1880 pour atteindre une surface de 16 600 mètres carrés.

Au début du XIXème siècle, alors que la sériciculture (culture des vers à soie) évolue toujours avec les risques de maladie et la concurrence asiatique, des recherches sont menées pour créer un matériau de substitution. En 1904 la famille Gillet se jette dans l’aventure et crée sur le site une teinturerie de soie artificielle sur la rive droite : “La Soie d’Izieux”.

Les Gillet et le site de Saint-Chamond sont reconnus pour la qualité de leur teinture noire, dont ils disposent de plus de 1 000 références. En 1901, pour les obsèques de la reine Victoria, Londres se pare de kilomètres de soie noire, qui seront teintées à la hâte à Saint-Chamond. Un demi-siècle plus tard, la robe du couronnement de la reine Elizabeth II est apprêtée chez les Gillet. L’usine emploie à cette période jusqu’à 500 personnes ; des chercheurs, des laborantins et des ouvriers, principalement des femmes.

Malgré ses illustres clients, l’usine traverse difficilement l’après-guerre. Touchée par la crise pétrolière de 1974, l’usine ferme définitivement ses portes en 1976. En 1982, la ville de Saint-Chamond rachète le site et le réhabilite. Il accueille aujourd’hui une pépinière d’entreprises (CAAI) et le CERPI, association de sauvegarde du patrimoine industriel dans la vallée du Gier, et son Usine à Couleurs (UAC).

La famille Gillet

François Gillet est un industriel, teinturier et chimiste. Né en 1813 à Bully, de parents cultivateurs analphabètes, il suit un apprentissage de tisseur qu’il complète chez un cousin teinturier en soie à Lyon. En 1838, il s’établit à son compte et met au point un noir à la brillance sans égale. Il implante plusieurs usines, notamment au quai Serin (actuel quai Joseph Gillet) et à Saint-Chamond, usines dont il laissera la direction à ses fils Joseph et François. Chevalier de la Légion d’honneur, il meurt à Bully 1895, dans le château de sa ville natale qu’il a racheté.

Joseph Gillet est le fils aîné de François Gillet. Né en 1843, il suit une formation de chimiste à l’Ecole de Chimie de Wiesbaden (Allemagne) en 1862, puis dirige l’usine Gillet de Lyon. Au cours de sa vie, il est directeur d’établissement de la famille, vice-président du Crédit Lyonnais et administrateur de plusieurs sociétés. Il meurt à Paris en 1923. Le quai Joseph Gillet à Lyon est baptisé en son honneur et en hommage à cette famille qui fut à son époque le plus gros employeur de Lyon.

François Gillet (fils) est le fils cadet de François Gillet. Né en 1846, il suit comme son frère une formation de chimiste. En 1861 alors que son père crée un atelier à Izieux, il s’y installe après son retour de la guerre de 1870. François fait construire la première usine Gillet dès 1875 et en prend la direction. Il sera également vice-président de la Société d’Études économiques de la Loire et maire d’Izieux. Il meurt en 1897 à l’âge de 51 ans.

Architecture

Aujourd’hui, seule une partie des bâtiments subsiste. Il s’agit néanmoins de l’ensemble le plus remarquable, symbole du prestige que souhaitait exposer l’entreprise. Tel un donjon de briques rouges, la cheminée, les bureaux de direction, l’horloge et le laboratoire dominent le site et les ateliers en contre-bas. Sur les façades les plus visibles, l’architecte de l’usine s’attache à mettre en avant des matériaux nobles. Pour son élégance, la brique est utilisée comme véritable élément décoratif. Pourtant, sur les façades opposées ces murs de briques ne sont qu’un trompe-l’œil ; il s’agit seulement d’un enduit peint qui permet malgré tout à l’ensemble de paraître comme un véritable palais industriel. On doit cet ensemble à l’architecte André Gaspard (Né à Lyon en 1840 et mort en 1896). Ce dernier est également l’architecte de la villa Gillet, lieu de résidence du directeur qui domine encore aujourd’hui le site.

Les toits de l’usine sont traités en dents-de-scie (ou toits à shed), caractéristiques des usines de la fin du XIXème siècle. Tournés face au nord, ils permettent un éclairage optimal des ateliers (éclairage zénithal et sans ombre). Dénotant avec les façades en briques de l’usine, ces toits sont cachés derrière des acrotères richement décorés.

Dominant le site, l’horloge avait une place centrale dans la vie de l’usine, tant fonctionnelle que symbolique.


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